Cuisiner les fleurs de lilas, pour cristalliser le printemps

04/05/2025

Un peu de sucre blond, infusé aux fleurs de lilas, posé sur une table de cuisine.

Comment garder une trace du parfum du printemps?

Chaque année, c’est la même chose.
Le lilas arrive sans prévenir, et soudain, l’air du matin semble un peu plus doux.

Il flotte ce parfum qu’on reconnaît sans vraiment savoir le nommer. Une senteur qui ne s’impose pas, mais s’infiltre. Subtile, presque timide.

Comme un souvenir ancien qui referait surface.
Dans les haies, sur les vieux murs, au fond des jardins un peu oubliés, le lilas éclate, et puis s’efface. Sa floraison est éphémère. Alors, il faut être là, dans la présence, disponible à l’instant.

Et si, cette année, nous tentions de garder une trace de ce moment fugace? Si nous le mettions en bocal, afin de pouvoir bientôt manger ce souvenir du joli mois de moi. Le rendre comestible. Et cristalliser le printemps, tout simplement.

Le lilas, est-ce que ça se mange ?

La question revient souvent. Et la réponse est : oui… mais pas n’importe comment.

Le lilas n’est comestible que par ses fleurs, et encore, en quantité modérée, toujours non traitées, cueillies loin des routes, des pesticides et des quadrupèdes.
Les tiges, les feuilles et les graines sont à éviter, mais les fleurs, elles, peuvent devenir de subtiles complices en cuisine.

Elles sont délicates, presque insaisissables – et leur parfum est comme un souffle d’amande amère, une touche de miel, laissant comme une impression de jardin après la pluie.

Une boisson vivante : la limonade sauvage au lilas

Parmi les recettes les plus vivantes, il y a celle de la limonade sauvage. Une boisson fermentée, pleine de micro-organismes bienfaisants, qui capte à la fois le parfum du lilas et l’énergie du printemps.

Recette de la limonade sauvage au lilas

  • Remplir environ 1/3 d’un bocal ou d’une bouteille à large col avec des fleurs fraîches de lilas
  • Recouvrir d’un mélange composé de 1 litre d’eau + 80 à 90 g de sucre blond.
  • Ajouter 1 citron coupé en tranches (bio de préférence).
  • Recouvrir d’un torchon propre.
  • Deux fois par jour, matin et soir, agiter vigoureusement le mélange pour bien répartir les micro-organismes naturellement présents et oxygéner la préparation.
  • Laisser fermenter à température ambiante jusqu’à ce que de fines bulles apparaissent (4 à 7 jours environ selon la température ambiante).

Pour mieux comprendre les principes de base de la préparation des limonades sauvages, voir l’article complet dédié à ce thème, sur le blog.

Autres façons de cuisiner les fleurs de lilas

Avec son parfum capiteux, le lilas ne devrait pas devenir un ingrédient envahissant. Le mieux est qu’il soit à peine un accent, une suggestion.

Voici quelques usages simples, à explorer chaque printemps :

– Infuser les fleurs dans du lait végétal pour une crème, un flan ou une glace.
– En préparer un sirop léger, avec de l’eau et un peu de sucre.
– Les parsemer crues dans une salade de fruits, pour surprendre.
– Les faire infuser dans du miel, et les oublier là une semaine.

À chaque fois, ce n’est pas le goût qui prend le dessus. C’est l’impression.

Un parfum de mai, presque intact, dans l’assiette.

Le sucre de lilas : une trace en bocal

C’est la recette la plus simple, la plus silencieuse aussi.
Celle qui pourrait devenir comme un rituel, chaque année.

Je prends une part de fleurs fraîches, que je mélange avec dix parts de sucre blond dans un bocal. Je couvre d’un torchon propre.
Deux fois par jour, je remue avec une cuillère.
Au bout de cinq à sept jours, je filtre le sucre à travers une passoire à gros trous pour retirer les fleurs.

Puis je le conserve dans un bocal fermé, à l’abri de la lumière.
Il gardera alors le parfum du lilas, pendant des mois.

Une préparation comme un trésor hors du temps, à utiliser pour sucrer une compote de rhubarbe, un yaourt nature, une limonade maison.
Ou – coup de folie printanière – sur une simple tartine beurrée, encore tiède.
Un geste d’enfance, un goût de mai.

Une mémoire en fleurs

Aussi, c’est que, pour moi, ces fleurs ne racontent pas seulement le printemps.
Elles parlent aussi d’un souvenir plus intime.

Mon père aurait eu 77 ans, au lendemain de cette chronique.

Mais il s’est effacé un 25 mai, en 2008, en l’espace d’un instant.
Chaque année, à cette époque, le lilas me ramène à cette mémoire.
Pas de façon spectaculaire. Plutôt comme une présence discrète.

Une ombre qui se manifeste, le long d’une destinée.

Alors, cuisiner ces fleurs, c’est aussi cela : se souvenir sans figer la mémoire, garder vivant ce qui passe, sans chercher à le retenir.

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